Maintenant j'en suis sûre, l'aptitude à tirer de l'expérience des grandes leçons définitives sensées éviter l'humiliante successivité dans l'échec n’est pas un corollaire de l'âge adulte, ou alors je ne suis pas adulte (ou alors je ne dispose pas de l’aptitude à évaluer les résultats de l’expérience).
La liberté de continuer à œuvrer en dépit de toute logique reste donc un positionnement, luxueux certes, mais accessible à tout âge, ce n’est pas l’apanage de la jeunesse, de l’insouciance, et de l’acné.
Sinon, comment expliquer que je vienne d’ouvrir un pot de crème de marron de 400g (celle que fait mon petit frère Jim - la meilleure du cosmos), alors que c’est la nuit, que je suis toute seule dedans (dedans la nuit, pas dedans le pot) que j’ai déjà mangé et que je sais pertinemment que la dernière fois que je me suis risquée à ce genre de manœuvre (allez, juste une cuillère et je le range) le pot s’est rendu avant le petit jour (et puis aussi qu’après je pleure ma mère parce que j’arrive plus à rentrer dans mes jeans) ? Ou que je vienne, minuit sonnée, de me faire une dernière marmite de café fumante alors que je sais pertinemment que l'excés de caféine va provoquer un réveil à 3h14 et que jusqu’à 6h35, deux éternités entières auront le temps de s’écouler lentement ?
Sinon comment expliquer qu’avec cette impression de regrets imminents aussi tenace que la morsure d’une fourmi magnan en forêt de la Comoé, je vienne de re-signer un contrat de travail me liant officiellement au destin du cheval d’Auvergne pour deux années encore ? (officieusement c’est une longue histoire aux tenants obscurs et à l’aboutissement incertain et à laquelle je suis liée depuis des temps immémoriaux).
Alors bien sûr, pour en définir le contenu depuis bientôt huit ans, je ne nie pas que le travail puisse être varié, parfois passionnant, et qu’il me tienne à cœur, mais le cadre associatif est une étrange entité ectoplasmique (et à celle-là j’ai moi-même fait pousser la plupart de ses extensions maléfiques) qui a tôt fait de vous digérer entière avant que vous n’ayez appris à mettre vos arpions en sécurité…
Bref, là n’est pas l’objet de cette note (va pas se plaindre d’être payée en plus l’aut morue), puisque ce qui m’amène, c’est plutôt qu’en remplissant ma déclaration d’embauche j’ai découvert un nouveau mot (la semaine dernière c’était concision, mais j’ai pas encore tout bien compris).
Or donc, en remplissant ce petit feuillet A4 - qui sous des dehors innocents nécessite 18 h de recherche internet, 12 appels à l’inspection du travail, la lecture de toutes les nouvelles nomenclatures des codes NAF, APE, la recherche de la convention collective applicable et à défaut d’en trouver une la lecture intégrale du code du travail, de ses 3476 articles complétés par les 12589 décrets annexes et tout ça pour remplir trois bêtes petites cases bleues - il a fallu que je détermine un intitulé de l’emploi. Parce que permanente d’association, ça n’est pas répertorié dans la nouvelle nomenclature des catégories CSP révisée par celle du 6 mars 2003, re-révisée l’année dernière et en cours de validation par les instances compétentes qui sont actuellement en vacances à Biarritz et à défaut se reporter au CODE DU TRAVAIL…
Je mets quoi me demandais-je en dedans de moi qui était en dedans de la nuit …avocat ? (non, j’aime pas les robes qui grattent) chauffeur grutier ? (non, j’ai pas de garage pour la grue) inséminateur de dindes ? (non, je veux pas d’histoires avec les dindons)… m’en fous, je mets anesthésiste (ouais, anesthésiste d’auditoire pendant la lecture du compte-rendu d’activité en AG).
Et toute à ma recherche, voguant de site en site, passant par une liste des métiers interdits qui m’ouvre de nouvelles perspectives d’évolution dans ma branche (blanchisseur d’argent, escroc, contrefacteur, dopeur sportif, recéleur…), je découvre avec un total émerveillement (et bien essayez donc d’être totalement émerveillés à 2h43 et après 2 lectures du CODE DU TRAVAIL) cette liste des vieux métiers…
De la poésie pure (oui à 2h43 du matin, même une lecture du dos d’une boîte de tartines aixoises grillées à l’ail me procure des émotions furieusement poétiques). C’est qu’il y a là un « épinceur de pavés » qui me ravit. Et je décrète unilatéralement que la métaphore est particulièrement justifiée, je dirais même qu’elle est frappante (émerveillée, ravie, frappée par la foudre, ça fait déjà beaucoup pour une seule femme, je me dis).
Finalement, comme l’épinceur avec son petit épinçoir et sa massette, la permanente d’association arrondit les angles, travaille de la matière brute qu’elle loge en petits losanges lisses en une voie large et plane amortissant pour leurs passagers les heurts des roues cerclées des carrosses et autres diligences… et elle y passe parfois beaucoup trop de temps.
Suivra une exubérante série de révélations qui viendra peut-être contredire l’assertion du début et finir par sonner chez moi l’arrêt catégorique de l’emploi abusif des positionnements discrets et modestes. Entre autre : rien ne sert d’épincer si l’on continue à marcher dans le ruisseau boueux, trop d’épinçage nuit, tant passe sans heurts la diligence qu’elle se fout de l’épinceur, la massette provoque des calles aux mains et n’est d’aucun secours à la compréhension de la phénoménologie Husserlienne… Le tout se concluant par la certitude que si l’épinceur n’attrape pas lui-même un des chevaux pour entendre le pavé sonner, et accessoirement vérifier que la voie sur laquelle il s’échine mène bien quelque part, il finit par s’aigrir, et va en parler à son ch’val … ceci dit, je suis pas sûre que mes reflexions éclairent les services qui vont avoir à enregistrer ma DUE.
Voilà, j’ai fait tout le contraire de ce que mon frère Joël qui écrit des vrais livres , explique qu’il faut pas faire sur son blog. Et comme en plus c’est pas une moitié de truelle à sable comme sa soeur, ben il a un nouveau travail lui : un vrai travail !
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