En mai :
Déjà un an que, pompée jusqu’à la mœlle par ces années toutes employées à la subsistance d’une association, je perds foi et entrain en même temps que pas mal de terrain contre la jachère (trop de choses à gérer et de problèmes à résoudre dont tout le monde ou presque se contrefout, trop d'efforts pour retenir des compétences dans une structure un rien trop amateuriste, trop de choses qui n’évoluent plus assez vite, et un je ne sais quoi de vox clamentis in deserto qui finit par vous rendre hargneuse) pourtant je me laisse berner par une légère brise d'optimisme et décide que finalement il faut encore tenir bon.
En juin :
Un atroce intermède de lucidité me pousse encore une fois à constater que je ne crois plus en l’équipe, où les compétences se comptent sur les doigts d’une seule main, où les attentes s’expriment en des termes qui ne me plaisent plus guère, et que je suis définitivement harassée par ces 8 années de disponibilité pour la cause et ses détracteurs. Années durant lesquelles j’ai fait 38 000 km d’un bout à l’autre du Massif Central, investi dans l’entreprise le prix d’une voiture neuve, gagné la réputation de la fille la plus flinguée de la planète auprès de mes amis, assumé le boulot de trésorier-secrétaire-permanente et j'en passe, bref, quand de gentils monsieurs à grand renfort de feuilles d'analyses diverses m'ont expliqué que j'avais également commencé à y engager mon propre capital vital, il a bien fallu admettre que la stratégie de la quiche devait cesser. A partir de là un drôle de phénomène s’est produit, une sorte de certitude qui dévale doucement d’un bout de cervelle à l’autre, vient s’écraser vers la gorge et me fait dire : j’arrête.
En juillet :
J’arrête, oui mais comment, j’arrête oui mais quoi ?
Tout ?
Je reprends mon troupeau d’Auvergne ? Je m’enpaysanne ? Ou je me citadinnise et qu’on ne me parle plus ni d’Auvergne ni de chevaux et surtout plus jamais d’association… ?
Impossible de laisser ce trésor de génétique rare, de crins noirs, d’énergique rondeur et de rusticité passer de la main de mes parents à d’autres que les miennes, impossible de fermer les yeux sur le sort de ces équidés que j’ai vu naître, avec lesquels j’ai travaillé des années durant, et donc impossible de les élever sans se soucier de la pérennité de l’association… et ça n’arrange point mes affaires, car il faut bien l'admettre, je n'aime pas faire les choses à moitié, surtout quant il s'agit de se tailler les flûtes.
En août :
Je ne me crucifierais pas pour l’assoc (crucifier une quiche, c’est pas pratique), mais j’espère ardemment que d’autres le feront ; hélas je reconnais dans ceux qui m’ont accompagnés et sont conscients de la difficulté de la tâche la même lassitude que moi, et chez d'autres une absolue et crasse ignorance du boulot à mener. Je laisse une place sur laquelle on s’empresse de capitaliser, mais je ne vois pas d’étoffe, pas de compétences réelles, les nouvelles recrues ou celles de la première heure qui feraient de bons présidents n'ayant a priori aucune envie de s'y coller, quelle misère ma bonne dame.
En septembre :
J’expérimente moi aussi comme quelque part à Lucerne les affres du trou noir.
Une bonne nouvelle à mi-mois : une bonne âme se dévoue pour rafler la première présidence de l'histoire de notre association, pas prévu au programme de certains cette candidature...pour ma part je table sur un bon entrebâillement de solution.
En octobre :
Rââââhhh ! J’le savais… j’le savais j’le savais j’le savais !
J’le savais que moi et ma gueule de demi-quiche on allait regretter nos humbles postures, nos investissement discrets mais conséquents, qu’on allait haïr son prochain juste un peu plus que soi-même, qu’on allait devoir mettre le nez comme dans un bouge infâme sur ce qui anime l’humain.
Je reste néanmois encore un peu dans la place, "responsable du stud-book", mais la tâche sera ardue...
« L’ignorance peut être, ou bien savante, scientifique, ou bien vulgaire. Celui qui voit distinctement les limites de la connaissance, par conséquent le champ de l’ignorance, à partir d’où il commence à s’étendre...est ignorant de façon technique ou savante. Au contraire, celui qui est ignorant sans apercevoir les raisons des limites de l’ignorance et sans s’en inquiéter est ignorant de façon non-savante. Un tel homme ne sait même pas qu’il ne sait rien. Car il est impossible d’avoir la représentation de son ignorance autrement que par la science ; tout comme un aveugle ne peut se représenter l’obscurité avant d’avoir recouvré la vue.
Ainsi la connaissance de notre ignorance suppose que nous ayons la science et du même coup rend modeste, alors qu’au contraire s’imaginer savoir gonfle la vanité. »
KANT -Les deux ignorances et la possibilité du vrai
... à moins qu'on organise une lecture collective de Kant à la prochaine AG?
Parce que où va donc échouer la barque si on oublie d'assurer les bases, si on oublie que la barre à franchir à présent c'est celle qui est sensée transformer une structure de passionnés mais non moins amateurs devenue trop fragile en association professionnelle et carrée?
Pour conclure, toujours pressée de me jeter dans la première entreprise foireuse venue, et enfin animée par la nécessité d'agir pour MA pomme, je m’en vas me lancer dans l’agriculture, le froid la faim et la misère, je reprends l’élevage de chevaux d’Auvergne familial!
Qui a dit encore un foutu plan moisi? Retire ça tout de suite!
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